Les autocontrôles

Les autocontrôles…

Ce terme est couramment employé dans le milieu de l’éducation et du comportement canin. Il est très en vogue en ce moment et fait même l’objet de formations de plusieurs jours. C’est de bonne augure, mais prenons garde toutefois à ne pas trop dévier du sens même du mot. L’acquisition des autocontrôles est la clé pour une adaptation sereine du chien dans notre quotidien et, par conséquent, la base de l’éducation. Ayant moi même deux chiens très « actifs », je me suis beaucoup remise en question quant aux apprentissages que je leur ai proposés afin qu’ils aient plus de facilités à s’adapter à mon mode de vie, somme toute assez commun.

Voici donc les grandes lignes des ébauches de conclusions résultant de ces réflexions et échanges entre amis et collègues (oui, le sujet est vaste et progresser c’est ne pas rester sur ses acquis, donc: « on est pas rendus » comme on dit!).

Les autocontrôles?

Il s’agit de la capacité à gérer, par soi-même, ses émotions face aux stimulations de l’environnement. Certains se mettent en place dès la troisième semaine de la vie du chiot avec la mère et la fratrie, comme par exemple l’ inhibition de la morsure, et doivent être entretenus et renforcés par l’humain. Ils sont essentiels à l’équilibre émotionnel du chien.

Les autocontrôles sont en lien direct avec l’apprentissage de la frustration (comme, par exemple, la capacité à marcher en laisse sans montrer de réactivité). Les capacités du chien à se poser, à renoncer et à se calmer rapidement après une forte stimulation dépendent directement de cette « autorégulation » émotionnelle.

Voici quelques conseils, à adapter bien entendu! Il ne s’agit pas de faire une fiche recette, ça n’existe pas!

° Évitez les situations trop intenses.

Nous mettons nos chiens dans des états émotionnels extrêmes difficiles à gérer, par exemple: passer de 7 heures de solitude et de « dodo » à la joie* de nous retrouver, la joie* de se faire grattouiller, la joie* d’aller se promener, la joie* de courir pour se défouler, la joie* de jouer, la joie* de manger sa gamelle de croquettes…

* Vous pouvez relire cette phrase en remplaçant le mot "joie" par le mot "excitation" et nous sortirons alors de l'interprétation pleine d’affect pour s'approcher de l'objectivité. Je reviendrai dans un prochain billet sur l'affect, le sentiment de culpabilité et notre rapport aux animaux de compagnie.

– Quand votre chien est très excité ou s’il a tendance à être très démonstratif, à votre retour après une absence par exemple, ignorez-le, laissez-le se calmer avant de le saluer calmement. S’il est déjà calme, nul besoin de l’ignorer, on peut le saluer et exprimer notre contentement sans effusion de joie*.

– Si le chien saute ou aboie, ne le poussez pas, ne lui parlez pas, détournez-vous et coupez le contact (même visuel). Si votre chien insiste, partez dans une autre pièce.

– Durant les interactions, dès que vous observez une petite excitation (et d’autant plus si vous savez qu’il va finir par « mettre les dents », sauter ou aboyer), stoppez le contact; n’attendez pas qu’il soit excité, ce serait trop dur pour lui de se calmer à ce moment là.

– Évitez les caresses « frénétiques », si vous voulez qu’il soit plus calme, ce n’est pas juste de l’exciter.

– La communication verbale doit être la plus apaisante possible, proposez ou invitez plutôt que d’ordonner.

° Reprenez l’initiative.

Non pas pour être le « dominant » mais bien pour lui apprendre à gérer sa frustration.

– Quand il vous « oblige » au contact (par exemple s’il vous « envahit » de manière brutale), ignorez-le, appelez-le quand il est calme, faites un câlin (des caresses calmes) et dites « c’est fini » pour signifier l’arrêt. Ignorez-le s’il redemande. Si votre chien est plutôt timide, inhibé, plein de doutes ou calme, il est clair que ces conseils n’ont pas lieu d’être.

° Interactions structurantes avec des congénères.

– Votre chien doit impérativement avoir des contacts avec des congénères, de toutes tailles et de tous âges. Les interactions devront être variées (pas uniquement des courses folles!).

– S’il est jeune et plutôt « vif », favorisez les contacts avec des congénères plus âgés, matures, qui sauront lui dire « non » s’il est envahissant ou trop excité et qui lui proposeront éventuellement des interactions calmes (se suivre pour renifler les même odeurs par exemple).

° Les « jeux contrôlés »?

Les jeux avec l’humain ne sont pas nécessaires, ils sont utilisés comme activités COMPENSATOIRES et peuvent parfois être la source de bien des désagréments. En effet, si votre chien fait suffisamment de balades propices à l’exploration, qu’il a suffisamment d’interactions avec des congénères et que votre lien avec lui est bon, tous ses besoins seront comblés!
Le chien doit apprendre à ne rien faire et à s’ennuyer, pour cela il est impératif de combler tous ses besoins.
Il n’est donc pas nécessaire de laisser traîner 150 jouets chez vous (d’autant que marcher sur une balle, c’est dangereux et éééénnneeervant!), vous pouvez laisser à sa disposition un objet à ronger (bois de cerf par exemple); le besoin d’activité de mastication est variable selon les individus et ce comportement n’est pas déviant s’il n’est pas présenter systématiquement.

Évitez tous les jeux d’excitation: jeux de tiraillements, jeux de balle, jeux de ballon, jeux de poursuites, jouets « pouet pouet », lasers… Ces jeux mettent le chien dans un état d’excitation qu’il est bien souvent incapable de gérer et entretiennent des trajets comportementaux non souhaitables tel que ceux la prédation (courir après une proie, attraper, secouer, dépecer…).

Pour vous sevrer du jeu avec votre chien, voici quelques exemples d’activités qui pourraient « être moins pire », comme on dit…

Activité de recherche:

1- Prenez un objet, emmenez le chien dans une pièce qui se ferme, montrez lui l’objet sans le lui donner, demandez lui « tu attends? » puis sortez et fermez la porte. Placez l’objet devant la porte, ouvrez et demandez « tu cherches? ». L’objet étant en visuel, il va le trouver de suite, dites « oui! cherche c’est bien! » en insistant sur le mot « cherche ».

2- Même démarche mais placez l’objet un peu plus loin (il ne doit pas avoir à tourner la tête pour le voir) demandez « tu cherches? ».

3- Placez l’objet sur un coté, votre chien devra tourner la tête pour voir l’objet. Demandez « tu cherches? ».

4- De plus en plus loin, de plus en plus difficile à voir, puis cacher derrière des obstacles visuels (pour qu’il utilise son nez). Enfin, en hauteur, derrière des meubles ou sous des tapis ou des coussins.

Attention, votre communication doit être adaptée à la motivation de votre chien, cherchez à être le plus apaisant possible. N’utilisez des friandises (cachées dans l’objet s’il le faut…)  que s’il ne semble pas motivé à chercher; mais dans ce cas peut-être devriez vous le laisser tranquille ou emmenez le en balade!!!

Activité de « Tu prends, tu donnes« :

Utilisez de préférence un jouet qui ne roule pas.

– Proposez l’objet au chien « tu prends? ». (S’il part avec l’objet, reculez ou tournez le dos pour que le chien revienne à vous mais ne lui courrez pas après!)

– Demandez « tu donnes? », au besoin présentez un objet de même valeur.

– Dès que le chien lâche l’objet dites-lui « oui, tu donne, c’est bien! ». Ne prenez pas l’objet dans sa gueule (cela désapprend le « donne » et incite aux jeux de tiraillements). Ne lancez pas l’objet. Ne laissez pas le chien prendre l’objet au sol, il doit le prendre de votre main après le signal « tu prends? ».

– Mettez le pied sur l’objet, demandez « tu attends? » et ramassez très doucement l’objet.

– Après 2 ou 3 répétitions, dites « c’est fini » pour signifier l’arrêt de l’activité. Ignorez-le s’il redemande.

Activité de discrimination d’objet:

Chaque fois que vous proposez un objet au chien, utilisez un nom de code différent pour chaque objet (ex.: le bois de cerf, le « kong », les clés, ce que vous voulez tant que l’objet n’est pas dangereux pour le chien…). Présentez lui les objets indépendamment et en les nommant (2 seulement pour commencer).

Disposez les différents objets l’un à coté de l’autre (2 seulement et pas trop proche pour commencer).

Demandez « tu prends les clés? ».

S’il prend les clés, « c’est bien prends les clés! », s’il se trompe ignorez le (c’est soit que les objets étaient trop proches, soit qu’il faut l’aider en regardant, en pointant du doigt ou du pied l’objet concerné, soit qu’il est trop excité, soit qu’il préférerait aller se promener! Dans ce cas, réessayez à un autre moment ou avec des objets de moindre valeur pour le chien s’il était trop excité, ou laissez tomber si ça n’amuse que vous…

Demandez alors « tu donnes? », reposez les clés et demandez « tu prends le kong? ».

Vous pouvez corser l’exercice en ajoutant d’autres objets et en les plaçant de plus en plus proches les uns des autres.

2 commentaires

  1. Didou13 sur 6 juin 2017 à 12 h 28 min

    Excellent article !! Au top …mais… parce qu’il y a un mais…
    Je trouve vraiment bizarre de faire la promotion des auto-contrôles tout en déclarant que les jeux (et donc le bon contact) avec l’humain ne sont pas nécessaire. Qu’il est inutile de travailler sur l’auto-contrôle concernant la poursuite, de ne pas non plus travailler justement sur leur excitation qu’ils apprennent ce qu’est un contact valorisant et avec le maitre et ce qui ne l’est pas. Je trouve ça vraiment étrange de remettre en question le jeux contrôlé (on parle bien de participer au contrôle émotionnel du chien notamment par P- et non du contrôle du maitre sur son chien) alors que les chiens on grandement besoin d’apprendre à rester dans la communication et la réflexion, et non dans l’écoute de leur propre émotion.

    • Valérie Goncalves sur 14 juin 2017 à 23 h 09 min

      Pour moi les « jeux » proposés par l’humain ne sont pas de « bons contacts », j’écris d’ailleurs un autre billet à ce sujet. C’est évident qu’il faut « travailler » les autocontrôles, le contrôle VOLONTAIRE de son émotionnel. je n’aime pas tellement le terme « travailler » parce qu’il suggère que le chien a nécessairement besoin de nous pour apprendre. Mais, en effet, nous pouvons aider les chiens à le faire, et ce dans toutes les situations du quotidien! Ces situations nécessitant d’avoir fait des apprentissages tel que la gestion de la frustration, le renoncement, l’ennui (il ne faut pas se leurrer, c’est important lorsque l’on vie avec l’humain), le calme, ne pas courir après tout ce qui bouge… Inutile de les éteindre et de les allumer volontairement, pour moi le jeu contrôler c’est du contrôle; la vie de tous les jours se charge d’offrir suffisamment de situations qui permettrons au chien d’apprendre à gérer ses émotions, avec notre appui éventuel.

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