Revenons aux sources

Par Nadine Chastang

En m'installant en tant qu'éducateur et comportementaliste canin, il était important pour moi de partager tout ce que Dédé m'avait appris au fil des années passées à ses côtés. Et c'est lui rendre hommage que de continuer à partager tout le travail qu’il a fait durant toute une vie consacrée au monde canin. Il a très souvent été mal compris pour ce travail, il était trop en avance dans la vision du chien et de son éducation, dans le respect et la considération envers le monde canin, dans l'utilisation du verbal et de la gestuelle, mais aussi dans la façon d'observer et de se remettre en question pour rester le plus cohérent possible. Sa « méthode » est en constante évolution dans le sens où l’observation des chiens nous pousse toujours à nous adapter et à nous remettre en question.
Mais en parallèle, il y a des fondamentaux qui sont les bases même de tout son travail d'éducation et de rééducation. Des fondamentaux que l'on ne peut changer, dissocier ou mettre à part.
Plusieurs points sont importants :
- Les mots utilisés : le choix des mots a été bien réfléchi. Les mots permettent d’éviter les incohérences des séances d’éducation et du quotidien. Le verbal est ajusté en fonction de la situation et renvoie aussi l’émotion du moment. Les mots sélectionnés induisent au mieux les émotions du maître et donc une intonation appropriée à l’action. Par exemple, pour le rappel, « tu viens me voir » et l’encouragement qui suit « c’est bien, viens me voir » permet d’inviter le chien d’une manière incitante mais non excitante. Un autre exemple, "tu laisses" où on peut rajouter « le » pour donner une intonation qui correspond à "laisse-le cela n'en vaut pas la peine", dans une situation bien précise. Encore un autre exemple, « tu attends, je reviens », rituel qui aide les chiens à ne pas stresser lors des départs ou déplacements de leur humain. Les mots choisis, l'intonation, le moment où ils sont employés, tout a une raison d'être!
- Les caresses : les endroits du corps sont importants en fonction du message que l’on veut faire passer, tout comme la vitesse à laquelle sont données les caresses et en fonction de la main elle-même. On peut voir la caresse apaisante (qui comme son nom l’indique aide le chien à s’apaiser). Elle est donnée avec les deux mains de chaque côté du corps, les deux mains se déplacent en alternance. Lorsque la 1ère main arrive à la fin du flan, la deuxième main commence à caresser au niveau de l’épaule. En fait, on a toujours un contact avec le chien. Cela permet de l’apaiser et de le « garder » près de nous dans certaines situations. Il y a d'autres caresses, dans d'autres situation pour interpeller, féliciter, ou simplement offrir un moment de partage. La main peut également montrer, guider...etc
- Les outils pédagogiques :
Les appareils éducatifs renforcent la relation et la complicité. L'appareil est un médiateur permettant la mise en place de codes de communication entre l’homme et le chien. Il aide à l’acquisition du langage gestuel et verbal, il permet aussi de prendre conscience de l’impact de notre gestuelle. Il incite également le maître à l’observation et à l’adaptation de ses demandes en fonction de la situation. Par son rôle de médiateur, l’appareil va permettre au chien d’appréhender entre autre, le face à face avec son humain, position bien souvent ambiguë. Ce travail aux appareils sans artifices, sans objets d’excitation aide à mettre en place une relation de confiance. Les appareils permettent de travailler la gestuelle, le verbal du maître, et pour son chien, le maintien en place, la maîtrises des mouvements, de l'équilibre, la diminution de la distance de fuite, le passage d'obstacle, l'appréhension de l'obscurité, l'apprentissage de la séparation...etc
- La longe (de15 m) peut nous aider dans différentes situations : un chien qui manque d’assurance, un chien qui fugue, un chien qui agresse, un chien qui ne doit pas faire de gros efforts suite à une opération ou autre, un chien que l'on ne connait pas mais à qui on veut faire faire une vrai détente tout en étant en sécurité ( chien des refuges pour les balades avec les bénévoles)...etc…. Il ne suffit pas de tenir la longe simplement en bout, il y a toute une technique à apprendre : la longe entre l’humain et le chien ne doit pas être au sol. La longe ne doit quasiment jamais être tendue. Avec l’aide de la chambre à air, on peut freiner, bloquer le chien mais il faut bien penser à relâcher pour éviter de garder la tension. Le placement aussi de l'humain en fonction du chien, du contexte, de ce qu'on veut travailler...etc
Dédé, dans son travail, cherchait la coopération du chien et pour cela il nous a appris à observer et à respecter le monde canin et sa culture. Nous en demandons toujours plus au chien! En effet, il doit s’intégrer parfaitement dans notre société mais nous essayons de respecter aussi ses besoins : pas uniquement les besoins alimentaires mais aussi les besoins au niveau des balades, le besoin de rencontrer des congénères et d'évoluer avec eux. Apprenons aussi à l’écouter.
Ce n’est que rendre hommage à Dédé que de dire "rendons à César ce qui appartient à César" ! Oui il faut partager son travail mais n'oublions pas d’où viennent tous ses éléments de travail! Le pourquoi du comment est tout aussi important que l'application de la méthode elle-même ! Avec un seul objectif: l'écoute mutuelle et le plaisir partagé !
Merci Dédé...
Nadine Chastang